Si la « dentelle du Puy » au fuseau échappe à l’oubli, c’est grâce à l’Atelier du conservatoire national de la dentelle du Puy-en-Velay. Depuis sa création en 1976, il s’est fixé plusieurs missions comme la transmission du savoir-faire, l’interprétation d’œuvres ou bien encore la création d’ouvrages.
Dans quel but a été créé l’Atelier Conservatoire National de la Dentelle du Puy-en-Velay ?
Nathalie Sauret : L’Atelier Conservatoire National de la Dentelle du Puy-en-Velay a été créé en 1976 sous l’impulsion du Président de la République Valéry Giscard d’Estaing et à l’initiative de Mick Fouriscot, dans le but d’intégrer l’atelier de production de dentelles. Il dépend du Mobilier National, qui est composé de deux départements : celui des collections et celui de la production. On dépend de ce dernier et donc toutes les réalisations qui sont créées dans notre atelier de dentelles aux fuseaux vont enrichir les collections du Mobilier National.
Quelles sont ses missions ?
Le Mobilier National est concerné par la partie restauration et conservation des œuvres. L’Atelier est chargé de produire des pièces de grande qualité artistique sur des modèles contemporains. Nous sommes là pour enrichir les collections du Mobilier National, qui vont se retrouver dans des résidences présidentielles, ou bien encore les hautes administrations. Notre mission consiste également à offrir une visibilité du travail que nous effectuons auprès du grand public, à travers, notamment Les Journées Nationales du Patrimoine. Et puis, il y a la transmission des savoir-faire.
Qui sont les dentellières de l’Atelier conservatoire national de la dentelle au fuseau ?
Nous avons un effectif composé de 8 personnes référentes. Elles travaillent à partir de l’idée de base de l’artiste, sur une œuvre, une photo, une sculpture, ou une maquette. Puis, après des échanges avec celui-ci et notre directeur de production, elles commencent par réaliser la mise en carte de l’ouvrage. Ensuite, les échantillons sont réalisés. Enfin, s’ils sont validés, la pièce demandée par l’artiste est alors réalisée.
C’est un savoir-faire qui demande une formation particulière ?
Depuis 5/6 ans, les dentellières doivent maîtriser toutes les spécificités du métier. Ce sont des « techniciennes d’art ». Elles doivent maîtriser la mise en carte, c’est-à-dire la réalisation du dessin technique, la dentelle, et la finition. Auparavant, il y avait une personne qui faisait la mise en carte, une dentellière, et une personne qui réalisait les finitions.
Quels types d’ouvrages réalisent-elles ?
Il y a des œuvres uniques comme les Dentelles du ciel d’Annabelle d’Huart qui ont été exposées à l’Ambassade de France en Chine. L’an dernier, il y a eu L’Herbier, d’après la maquette de Jean-Luc Parant, qui a été exposée au Musée Crozatier. De plus, il y a eu une dentelle sur l’Europe, d’après un modèle d’Esther Shalev-Gerz et qui a été réalisée en un seul exemplaire.
Ensuite, nous avons réalisé deux exemplaires de la Vénus de l’artiste Christian Jaccard avec la dentelle aux fuseaux, dont l’une se trouve au Musée Crozatier. Deux autres exemplaires ont été produits à l’atelier de dentelle a aiguilles d’Alençon. En outre, nous avons travaillé sur la réfection des voilages du Salon d’Argent de l’Elysée, à partir d’un échantillon de voilage en broderie. Les parements faisaient environ 7 mètres de long. Plus de 2.000 fleurs en dentelle ont été réalisées ! Il faut savoir que certaines œuvres demandent des milliers d’heures de travail !
Les demandes de dentelles ont évolué avec le temps ?
Au début, les pièces demandées étaient essentiellement traditionnelles. Elles ont concerné principalement des nappes pendant une dizaine d’années. Les demandes ont évolué, car aujourd’hui des commissions d’achat de cartons font appel à des artistes qui proposent des projets contemporains. Lorsqu’elles correspondent aux exigences du mobilier, les œuvres sont achetées et dispatchées dans les différents ateliers de production. On les réalise après des échanges avec l’artiste et notre directeur de production.
L’Atelier a permis de dépoussiérer l’image de la dentelle ?
Oui ! C’était d’ailleurs la volonté du Mobilier National. En organisant les commissions d’achat de cartons, les artistes contemporains ont eu la possibilité de faire des propositions, ce qui a donné un nouvel élan à la dentelle. Cela contribue à repousser nos limites et nos connaissances techniques pour pouvoir répondre à la demande. Et puis on effectue un travail de recherche, en répertoriant les points lorsque l’on utilise une nouvelle technique pour des finitions, ou une variante de fond. On fait les échantillons, on réalise les explications écrites, les schémas, la codification internationale des couleurs. Cela offre différents moyens de comprendre les points. Tout est archivé et inventorié, ce qui permet d’agrandir notre base de données.
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Crédit photos : Atelier du conservatoire national de la dentelle du Puy-en-Velay